Ma spécialité est de faire danser des adultes amateurs : des débutants, des inter, des avancés, des parcours de vie tous uniques… Je suis un professeur “chercheur”, et je m’intéresse aux personnes et à mon propre vécu pour faire constamment évoluer la pédagogie de la danse pour les adultes.
Les observations que je vais partager dans cet articles sont juste ça, des observations, je l’écris en pensant qu’elles peuvent inspirer certaines lectrices et lecteurs.
Mon message aujourd’hui : aborder chaque cours de danse avec l’idée d’un corps de danseur neuf, frais du matin même.
Qu’est-ce que le “corps de danseur” ? C’est votre corps en version “outil” de la danse, en version incarné par le danseur en vous, c’est votre corps que vous mettez au service de la danse et de votre expression artistique. Si je devais le comparer à votre corps de bureau (dont on se préoccupe généralement très peu lorsque c’est la tête qui travaille), ce corps de danseur est plus habité, car la danse classique utilise le corps entier : d’ailleurs les tous premiers exercices d’échauffement en début de cours sont faits pour se mettre à l’écoute des sensations, pour préparer son corps à la danse, pour trouver son équilibre, ses oppositions. Bref, sans aller dans trop de jargon, on dit que le danseur se met en “état de danse”.
Et j’aimerai pousser l’idée que le danseur profitera bien mieux de ses cours si cet état de corps et d’esprit est chaque fois frais, neuf, curieux, ouvert.
Quel a été mon cheminement pour arriver à ça ?
A l’écoute attentive de vous d’abord, et de moi-même, aussi. En vivant des expériences, dont celle-ci récente qui m’a beaucoup impactée.
A l’occasion d’une séance de massage des pieds, à vocation thérapeuthique et relaxante, je me suis soudainement retrouvée en plein stress, et face à une mémoire qui me revient soudainement d’un événement qui s’est passé il y a 20 ans. La masseuse était sur un endroit de ma cheville ou j’avais reçu un traitement très douloureux. Cette blessure a été effectivement guérie il y a 20 ans, ma peau n’en porte plus aucune trace, mes mouvements n’en ont gardé aucune séquelle, mais la mémoire est toujours là. J’étais sidérée !
Alors je pense à vous, les danseurs adultes. Chacun de nous porte des traces, physiques, mentales, ainsi que des croyances sur soi-même, qui nous viennent du passé. Par exemple, cette élève qui se voit toujours comme une éternelle débutante alors qu’elle danse depuis 10 ans et qu’elle progresse d’une façon satisfaisante, bien qu’un peu lente. Ou cette élève qui est persuadée de manquer de souplesse, malgré nos yeux qui voient clairement le contraire ! Ou celle-ci qui pense avoir une si mauvaise mémoire. On croise aussi des danseurs qui se présentent directement comme étant “bon en adage, mauvais en tours” (ou n’importe quels autres caractéristiques qu’ils ont sûrement entendu dans la bouche d’un prof ou confrère et intégré comme si c’était leur carte d’identité de danseur).
Cela vous dit quelque chose ? Peut-être venez-vous à la danse en portant quelques bagages de ce genre, ou bien entendez-vous des camarades de cours avoir ce genre de réflexion sur eux-mêmes ?
Par un long travail, j’ai constaté à quel point nos croyances dictent nos performances dansées.
Quand vous avez l’impression de ne plus progresser, d’être sur un pallier que vous n’arrivez pas à quitter, peut-être êtes vous bloqués par une image de vous-même qui n’est plus actuelle.
Alors, si on venait à la danse en déposant les bagages ? En regardant uniquement vers l’avant ? L’entrainement à la danse (comme tous les sports) sculpte votre corps, le modifie : autorisez-vous à être ce danseur ou cette danseuse avec ce nouveau corps, subtilement différent d’une fois sur l’autre, habitez ce corps, soyez curieux des nouvelles possibilités qu’il vous offre de vivre.
Il en va de même après un retour de blessure. Il peut être long de retrouver la confiance, il faut respecter le protocole de soin bien entendu, mais au-delà il me semble que la trace dans notre mémoire reste imprimée très longtemps et ne nous rend pas service.
A ce stade, il va y avoir deux équipes parmi vous : ceux qui ont déjà le déclic et se sentent tout régénérés, et ceux qui ne voient pas bien comment faire. Voici “une” technique, ma technique, à voir si elle vous sert.
La technique consiste à devenir l’observateur de ses pensées, à être à l’affut de notre petite voix intérieure (ou parfois verbalisée) et d’observer – sans juger – quels sont les termes de ce discours. Avec un peu d’entrainement (c’est une discipline, je ne vous le cache pas), on distingue des schémas clairs dans notre mode de pensée. Et à ce moment là, on peut les regarder en face, se demander si c’est vrai, si c’est utile, et si non, les déposer.
Je conçois que vous puissiez trouver ça un petit peu ésotérique ! Mais en fait c’est très concret et à terme, offre une vision optimiste sur votre vie de danseur.
En conclusion, soyez un danseur vivant pour aujourd’hui et qui regarde de l’avant ! Laissez les anciennes versions de vous derrière vous. Un peu comme un logiciel qui a été mis à jour : il ne vous viendrai pas à l’idée de réinstaller une ancienne version, n’est-ce pas ?
NB !
Si déposer et dépasser le passé est douloureux, pour quelques raisons que ce soit, je recommande la Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), c’est un format de thérapie courte et efficace qui fait aller de l’avant, sans nécessité d’explorer longuement le passé.