Aujourd’hui nous trouvons facilement de très jolies musiques pour les cours de danse classique, et quelle chance ! Des pianistes accompagnateurs extraordinaires enregistrent régulièrement de nouveaux albums, et renouvellent notre plaisir, chacun dans son style unique. Mais ça n’a pas toujours fonctionné ainsi.
La pratique du ballet avec un instructeur a commencé au 17ème siècle : les premiers “maîtres à danser” faisaient répéter les danses de bal à des nobles de la cour du Roi.
A l’époque, ni transistor, ni de tourne-disque, pas-même de piano à disposition (eh oui, le piano venait à peine de naître et n’était pas répandu) ! Et de toute façon, pas de salle de danse fixe, c’est le maître à danser qui voyage. Alors comment faisait-on ?
Du 17ème au 19ème siècle, les maîtres à danser (le terme “professeur de danse” n’existait pas) accompagnaient eux-mêmes leurs leçons avec la pochette, une sorte de petit violon, d’un format qu’on pouvait glisser dans sa poche, d’où son nom.
Cliquez sur l’image pour écouter une démonstration du violon pochette : (cela en vaut la peine !)
En plus d’être mobile, la position de l’instrument permet au maître à danser de parler et de bouger pendant qu’il joue (chose compliquée avec un violon coincé sous le menton !). Le violon était aussi utilisé, par j’imagine, un musicien accompagnateur.
On peut imaginer qu’au fil des siècles, la pochette et le violon sont devenus progressivement moins utilisés au profit du piano, qui finit par être le standard dans les salles de danse. Ils ont tenus bien longtemps quand même, car on peut voir des violons dans de nombreux tableaux d’Edgar Degas sur le thème des danseuses. Par exemple…
Le Foyer de la Danse à l’Opéra (1872) : le musicien accompagnateur y est très discret, caché par le maître, il attend patiemment pendant que le maître semble donner ses instructions à la danseuse, comme on le fait toujours aujourd’hui. Le bâton servait à marquer la mesure.
La Classe de Danse (1871), où le violon est particulièrement mis en avant, avec cet étui noir au premier plan. Le piano est aussi présent, mais non utilisé. On note les partitions glissées dans le chapeau haut-de-forme du musicien (à moins que ce soit le journal), et le petit arrosoir, qui servait à humidifier le parquet et ainsi à le rendre moins glissant pour les chaussons des danseuses.
La Répétition (1873) :
L’école de danse, la répétition (1876) :
La Répétition (1878) :
La Leçon de Danse (1879) :
Au 20ème siècle, les cours de danse étaient souvent accompagnés par des pianistes en chair et en os, ils étaient entrainés spécifiquement pour savoir s’ajuster rapidement aux demandes musicales des professeurs. Aujourd’hui, on trouve encore quelques pianistes accompagnateurs dans certains conservatoires, ou quelques cours parisiens, et dans les compagnies professionnelles, mais c’est devenu rare.
Les premiers enregistrements de musique de cours de danse classique ont été fait sur disque vinyle 33 tours, comme celui-ci (dispo à moins d’1 €!) :
Des années 80 aux années 2000, c’est le CD qui avait la cote, nous n’avions pas beaucoup de choix, mais c’était de très bonne qualité (notamment toute la série “La danse par le disque“). On ne les trouvait pas chez “tous les bons disquaires”, il fallait aller à la capitale ou commander par correspondance, et dans certaines boutiques d’articles de danse. Impossible de pré écouter, il fallait faire avec !
Et désormais, ce sont les plateformes à abonnement qui séduisent les professeurs de danse. Après toutes ces évolutions, c’est à se demander ce que l’avenir réserve à ce beau métier. Ce qui est sûr, c’est que je n’apprendrai pas à jouer de la pochette, et c’est certainement mieux pour vous !